Qui était Casanova

Casanova l'essentiel

La maison

ou pourrait être né Casanova

Né à Venise le 2 avril 1725, mort le 4 juin 1798 à Dux (Duchcov aujourd'hui) en Bohème.  Sa vie est un long voyage de plaisirs, de jeux, d’échecs et de fuites à travers toute l’Europe. Il a rencontré les personnalités les plus marquantes de l’époque, de Voltaire à Catherine II. Il a dépensé des fortunes sans avoir jamais travaillé. Vous découvrirez comment il a pu faire en lisant ses mémoires qu'il a écrites entre 1787 et 1798 alors qu'il était bibliothécaire du comte de Waldstein. Ce qui est le plus extraordinaire dans l’écriture de ses mémoires (le vrai titre est « histoire de ma vie ») et le fait qu’elles aient été écrites en français dans un style alerte, très actuel et bien agréable à lire. La lecture de l'histoire de ma vie fait découvrir le personnage extraordinaire qu'était Casanova : très grande intelligence mais aussi très grand cynisme. Séducteur, tricheur, vaniteux incapable de se fixer et de gagner sa vie en travaillant. Mais la lecture de ces mémoires nous fait rencontrer d'autres personnages tout aussi intéressants que Casanova. Le premier personnage qui attire la curiosité dans ces mémoires est le cardinal de Bernis.
Celui-ci fut ambassadeur de France à Venise, puis ministre d’état, puis secrétaire d’état aux affaires étrangères. Ses poèmes légers étaient célèbres : Voltaire l’avait surnommé « Belle Babet ». Ayant découvert le personnage on veut en savoir plus. En fouinant sur le net on trouve ses oeuvres complètes, une biographie (Jean-Paul Desprat). Et puis c’est la rencontre avec le comte de Saint Germain qui se disait immortel. Grand rival de Casanova : tous deux se partagèrent les faveurs de madame d’Urfé. Autre personnage passionnant : Ange Goudar (aventurier des lumières) célèbre pour avoir écrit « l’espion chinois » entre autres et passé sa vie entre tripots et prostituées. Jean-Claude Hauc vient de lui consacrer un livre aux éditions Honoré Champion. Le plus attachant a été Lorenzo da Ponte dont les lettres inédites à Casanova montrent une autre facette de l’aventurier.
Un autre personnage qui n’apparait pas dans les mémoires mais qui encouragea vivement Casanova à écrire ses mémoires, le Prince de Lignes. Son château de Beloeil en Belgique est un superbe édifice qui mérite une visite.
Outre ces personnages célèbres ce sont les personnages féminins des mémoires qui m’on séduit. Casanova nous fait le portrait de femmes extraordinaires en ce sens que ce sont celles dont tout homme rêve ou a rêvé.  Femmes cultivées, hardies, amoureuses décomplexées mais ayant les pieds sur terre. Il y a celles qu’il a aimées (à ne pas confondre avec celles qu’il a séduites) et dont il fait toujours un portrait respectueux, attachant. Henriette dont Helmut Watzlawick a retrouvé la véritable identité et sa gouvernante la Dubois que Casanova maria à Lebel quand il réalisa que le bonheur ménager n’était pas sa vocation. Il y a celles dont on a retrouvé les lettres : Manon Baletti dont les lettres écrites en français parfait sont particulièrement émouvantes, Francesca Buschini vénitienne toujours à court d’argent, Cécile de Roggendorf qui fut la dernière à correspondre avec lui et qu’il n’a jamais rencontrée. Il y en a bien d’autres. Une seule échappe à son affection et son admiration : la Charpillon qui ne lui a jamais cédé et qui l’a ridiculisé au point qu’il a failli se laisser aller au suicide.
Une autre facette de Casanova que l’on découvre peu à peu c’est son goût pour les joutes intellectuelles, la polémique, et la diversité de ses centres d’intérêt : les mathématiques, la philosophie, les sciences occultes et son côté sombre quand il devient l’espion des inquisiteurs de Venise. Son roman d’anticipation (Icosameron) est difficile à lire mais préfigure bien les romans de Jules Verne.
Je pourrai faire comme tant d’autres exégètes continuer pendant des pages et des pages vous parler du Casanova mal connu. Avant de conclure il faut néanmoins que je vous parle de la partie qui m’a également très intéressé (à la deuxième lecture bien entendu) ce sont toutes les informations mineures mais qui éclairent le mode de vie au XVIIIe siècle. Juste deux exemples : Comment on pouvait se faire faire une robe ou un costume en une nuit (d’accord on est loin des 35 heures) ; comment on pouvait commander ses repas en chambre et comment les gens jonglaient avec des monnaies qui changeaient d’une région à l’autre. C’est toute la vie quotidienne en Europe qui est racontée par Casanova.

Profession de foi de Casanova

Dans la préface définitive :

Malgré le fonds de l'excellente morale, fruit nécessaire des divins principes enracinés dans mon cœur, j'ai été toute ma vie la victime de mes sens; je me suis plu à m'égarer, j'ai continuellement vécu dans l'erreur, n'ayant d'autre consolation que celle de savoir que j’y étais. Ainsi j'espère, cher lecteur, que, bien loin de trouver dans mon histoire le caractère d'une impudente jactance, vous n'y trouverez que celui qui convient à une confession générale, sans que dans le style de mes narrations vous trouviez ni l'air d'un pénitent, ni la contrainte de quelqu'un qui rougit d’avouer ses fredaines. Ce sont des folies de jeunesse; vous verrez que j'en ris, et, si vous êtes bon, vous en rirez avec moi.
Vous rirez lorsque vous verrez souvent que je ne me suis pas fait scrupule de tromper des étourdis, des fripons et des sots, quand j'ai été dans le besoin. Pour ce qui regarde les femmes, ce sont des tromperies réciproques qu'on ne met pas en ligne de compte, car, quand l'amour s'en mêle, on est ordinairement dupe de part et d'autre. Quant à l'article des sots, c'est une affaire bien différente. Je me félicite toujours quand je me rappelle d'en avoir fait tomber dans mes filets, car ils sont insolents et présomptueux jusqu'à défier l'esprit. On le venge quand on trompe un sot, et la victoire en vaut la peine, car un sot est cuirassé, et souvent on ne sait par où le prendre. Je crois enfin que tromper un sot est un exploit digne d'un homme d'esprit. Ce qui a mis dans mon sang, depuis que j'existe, une haine invincible contre l'engeance des sots, c'est que je me trouve sot moi-même toutes les fois que je me vois dans leur société. Je suis loin de les confondre avec ces hommes qu'on nomme bêtes; car ceux-ci n'étant tels que par défaut d'éducation, je les aime assez. J'en ai trouvé de fort honnêtes et qui, dans le caractère de leur bêtise, ont une sorte d'esprit, un bon sens droit qui les éloigne fort du caractère des sots. Ce sont des yeux frappés de cataracte et qui, sans cela, seraient fort beaux. En examinant, mon cher lecteur, l'esprit de cette préface, vous devinerez facilement mon but. Je l'ai faite parce que je veux que vous me connaissiez avant de me lire. Ce n'est que dans un café et à table d'hôte qu'on s'entretient avec des inconnus.

Dans une variante :

Je dois avertir le lecteur qu'en écrivant ma vie je ne prétends ni de faire mon éloge, ni de me donner pour modèle : c'est au contraire une vraie satire que je me fais, malgré qu'il n'y trouvera pas le caractère de la confession. Il verra que je n'ai jamais fait le bien que par vanité ou par intérêt, et le mal par inclination; que je n'ai jamais commis un crime par ignorance; que les prohibitions, au lieu de me diminuer le courage, me l'ont augmenté; qu'assez content de trouver la permission dans ma force, je me suis laissé aller, disposé souvent à en payer l'amende. Malgré cela, tout complaisant que je suis, je n'écrirais pas ma vie, si je croyais de me rendre par là méprisable. Je suis sûr que mes égaux ne me mépriseront pas, et cela me suffit, car leur suffrage est le seul auquel j'aspire. Si, pour obtenir pardon du mal que j'ai fait, je dois me confesser ignorant, j'ai moins de répugnance à passer pour plus coupable que pour sot. Je me consterne cependant quand je trouve que je ne suis devenu bon que parce que je ne peux plus être mauvais; mais cette consternation n'engendre pas le mépris. Je m'aime, je regrette ma jeunesse, et je suis fâché de me voir sur le bord du fossé.

Casanova à Dux

C'est en 1783 que Casanova fut présenté pour la première fois au comte Joseph-Charles-Emmanuel de Waldstein par l'abbé Eusebio della Lena chez l'ambassadeur de Venise Daniele-Andrea Dolfin. Ce n'est qu'en septembre 1785 qu'il s'installa au chateau de Dux devenu Duchcov depuis 1920. Commencèrent alors 13 années de vagabondages qui ne seront plus qu'intellectuels. Correspondances, écriture du roman  de science fiction l'Icosameron qui fut un échec éditorial et financier complet, et surtout rédaction de ses mémoires qu'il appellera : "histoire de ma vie". Quelques voyages quand même : Prague, Dresde, Teplitz. Ses correspondants les plus assidus furent le prince de Ligne, Maximilien Lamberg, Opiz et Pietro Zaguri.

Lydia Flem écrit :

A présent, écarté des miroirs et des intrigues de salons, oublié des jeux de la fortune et des amours, aventurier sans aventures, voyageur immobile, il s'offre l'ultime jouissance, celle qui accompagne et justifie pour lui toutes les autres jouissances, la plus désirable, celle des mots. Par un tour de passe-passe inattendu, alors que le spectacle du séducteur semble s'achever, ici, à Dux, dans le château du comte de Waldstein, soudain, le temps qui fuit cesse de s'écouler. La mémoire prend sa revanche sur la vieillesse et l'exil, elle efface la mélancolie et les persécutions du monde. Dernière insolence, dernier pied de nez à ses contemporains, à la postérité et à la morale publique, le Vénitien jouit de réminiscences.
Treize heures par jour, qui lui paraissent treize minutes, il se raconte à nouveau son existence, comme s'il ne lui avait pas été prescrit, comme à chacun, de la vivre une seule fois. C'est le privilège de l'artiste : par la magie de son récit, il convoque les morts et les vivants, dialogue avec ce qui n'est plus, et donne un sens aux impulsions de jadis, aux instants épars de ses passions. Le mémorialiste rassemble, unifie, prend conscience de sa vie.Il accepte de s'inscrire dans le passé et la durée, dans l'écoulement et la continuité. En se rappelant les plaisirs qu'il a eus, il les renouvelle, il en jouit une seconde fois. Quand aux peines qu'il a endurées, il en rit puisqu'il ne les éprouve plus. Mais il sait désormais que le temps existe et qu'on ne lui échappe guère. Digne ou indigne, sa vie est sa matière et sa matière est sa vie. Il n'en a point d'autre et la chérit. Toujours il s'est vu en état d'être l'écolier de lui-même, et en devoir d'aimer son précepteur. Voila sa grande force, son secret : il jouit sans honte ni culpabilité. Il a le goût du bonheur, Giacomo Casanova.

Au quotidien ce ne fut pas le bonheur hélas. Pas de femme accessible autour de lui : Caroline la maîtresse du comte est intouchable. Le bruit courut que Dorothée, la fille du portier était enceinte de ses oeuvres ce que Casanova démentit fermement. Heureusement Dorothée donna le nom du fautif qui fut condamné au mariage. Les conflits avec le personnel et l'isolement le rendirent encore plus malheureux et agressif. Il se consola avec la petite chienne Mélampyge puis Finette et par l'écriture. Correspondance avec Lamberg, Zaguri, Opiz et bien d'autres. Il aborda les mathématiques, la philosophie, l'écriture de pièces de théatre et enfin la rédaction de ses mémoires.

Chateau de Dux vue ancienne
Chateau de Dux
Chateau de Dux une porte
Casanova plaque commémorative

Le décès de Casanova

Casanova décéda le 4 juin 1798 accompagné de son neveu Carlo Angiolini. Sa tombe n'a jamais été retrouvée.

Signature de Casanova

Analyses graphologiques de l'écriture de Casanova


par Jean-Claude Hauc : L'intermédiaire des Casanovistes 2009

L’ÉCRITURE DE CASANOVA
AU CRIBLE DE LA GRAPHOLOGIE MODERNE

En 1975, Marco Leeflang demanda ã H.W.F Frintrop, un graphologue hollandais, d’expertiser « un échantillon de l'écriture d’un homme du XVIIIe siècle qui avait 68 ans lorsqu'il écrivit ». Ces feuillets étaient de Casanova, ce qu’ignorait bien sûr le graphologue. Celui-ci répondit ainsi:
«Il s’agissait d'un homme délicat, posé, dévoué et éloquent, au vocabulaire bien choisi, ce qui indique pour le moins des aptitudes poétiques. Il est cependant peu probable que son éloquence se soit accompagnée d’une aptitude au contact. Il était sans aucun doute un grand travailleur avec une propension à l’écriture, d’où un manque de temps pour se préoccuper vraiment d'autrui. Il portait assurément de l’intérêt aux autres, mais en général cela ne débouchait pas sur des liens solides. On perçoit aussi dans son écriture une certaine réserve qui est, selon toute vraisemblance, la conséquence d’expériences malheureuses, lesquelles ont eu un impact sur le sens du contact pourtant inné. Il en a certainement été ainsi.
Je ne pourrai guère déchiffrer plus avant ce manuscrit. Un homme est en effet bien plus que le dépositaire de certaines caractéristiques et je ne peux davantage en dire sur ce personnage»
(traduction du hollandais par M. Leeflang).
M. Leeflang me signale par ailleurs une autre analyse graphologique de l’écriture de Casanova réalisée en 1919:
«Nous avons eu la curiosité de soumettre l’écriture du chevalier de Seingalt à un graphologue éminent, qui en a dégagé les traits suivants: Esprit très clair; grande curiosité intellectuelle, jointe a une espèce de conscience dans la notation des lieux et des faits. Un érudit de la jouissance. Aurait du être un savant ou un artiste si toutes ses facultés n’avaient pas été dirigées du côté de l'expérience sensuelle. Etablit des familles, des séries de femmes.
Extrêmement maître de lui, nature féline, le sens de l’élégance et du geste. Amoureux de lui-même, jamais un sentiment désintéressé. Ecriture de Narcisse. Mystificateur, chercheur d’effet et bagout extraordinaire. Type de voyageur ethnique et non géographique : curieux des mœurs, mais non de la nature» (1).
Désireux de pousser l'expérience plus loin, j’ai proposé en décembre 2008 à une graphologue en exercice à Montpellier, Marie-Alix Bordes, de me donner son avis à partir d’une page manuscrite de Casanova rédigée à Spa en 1783 [Marr 31-4], sans mentionner le nom de son auteur. Je laisse le soin au lecteur de juger par lui-même de la pertinence de cette analyse:


(1) GRELLET, P. .Les aventures de Casanova en Suisse. Lausanne, Spès, 1919, pp. 96-98.

AVIS GRAPHOLOGIQUE

(Scripteur anonyme)
L’écriture présente des inégalités qui semblent refléter la variabilité intérieure du scripteur. Mais celle-ci est tempérée grâce a un fond solide et des ressources profondes permettant chez lui une relative constance du comportement et peut-être la faculté d'aller jusqu'au bout de ses entreprises matérielles.
Imaginatif intuitif le scripteur présente une forme de pensée relativement logique saisissant toutefois assez vite un certain nombre de données impalpables, desquelles il peut se contenter sans chercher à en faire une analyse plus rationnelle et plus constructive. Il reçoit les impressions telles quelles, vibrant de ses fibres affectives et sensorielles, ce qui peut rendre le jugement subjectif.
Réagissant sous l'effet du moment, ce jugement s’exprime rapidement, mais ne repose pas sur une base claire et solide, ce qui peut expliquer en partie la variabilité d’attitude. Le scripteur se montre changeant, mais peut avoir du mal à justifier ses positions qui répondent surtout a ce qu'il ressent dans l'immédiat.
Il est très avide d'affection et aime qu’on lui montre de l’intérêt de façon expressive. C’est pourquoi peut-être, malgré un caractère profond plutôt solitaire, il aime plaire, se trouver au milieu d'amis et de relations parmi lesquels il cherche à jouer un rôle personnel. Il offre un mélange de retenue et de facilité à se lier et évoluer au milieu d'un groupe. Il cherche a` se montrer gai, brillant, recherchant les appréciations des uns (des unes) et des autres et de ceux qui l’entourent. Il est simple, charmeur ou bien parfois muré derrière un amour propre, blessé ou une vanité déçue de ne pas trouver réponse à ses demandes «informulées».
Quand les événements ne vont plus selon son plaisir ou son affectivité, il peut réagir de façon agressive avec des accès de colère (vite dépassée) ou des accès plus dépressifs et/ou démonstratifs appelant la pitié de l’autre. De façon générale, il aime varier les plaisirs, les occupations et les relations, bien que finalement il ne soit pas de lui-même un «dispersé».
Il sait s'arranger des circonstances pour traduire les situations à son avantage, soit en omettant ce qui l'ennuie, soit en expliquant de façon plus ou moins compliquée les choses à sa manière. Il peut même parfois ne pas se retrouver lui-même dans ses hésitations, ses désirs divers, ses blocages et ses impulsions soudaines et peut en souffrir sans l'extérioriser.
Peut-être est-il, en fait, très sensible à tout ce que lui ont laissé son enfance et son adolescence et il semble ne pas avoir fait le point ni l’assimilation de ce qui en demeure, que ce soit en bien ou en mal, malgré sa relative solidité et une constance de fond qui lui permettent néanmoins de vivre au milieu de ses contemporains.

Casanova et le jeux

Le jeu est un élément naturel chez le Casanova, en dépit des interdits qui pèsent sur lui, notamment en France. S'il a une prédilection pour le pharaon et pour le biribi, on le voit pratiquer toutes sortes de jeux, tout au long des pages d'Histoire de ma vie : bassette, brelan, comète, ombre, martingale, passe-dix, piquet, trente-quarante…
« Après la comédie, je l'ai conduite [Christine] au casin, où elle fut étonnée voyant pour la première fois une banque de pharaon. Je n'avais pas assez d'argent pour jouer moi-même ; mais assez pour qu'elle pût s'amuser faisant un petit jeu. Je lui ai donné dix sequins lui disant ce qu'elle devait faire malgré qu'elle ne connût pas les cartes. On la fit asseoir, et en moins d'une heure elle se trouva maîtresse de presque cent. Je lui ai dit de quitter, et nous retournâmes à l'auberge. Quand elle compta tout l'argent qu'elle avait gagné, et qu'elle sut qu'il lui appartenait, elle crut que ce n'était qu'un rêve. » (Histoire de ma vie, I, p. 420-421.)

Un portrait de Casanova par son frère

UN PORTRAIT-MINIATURE INÉDIT DE CASANOVA
PAR SON FRÈRE FRANCOIS (DUX, 1796)
par Charles SAMARAN

(Casanova Gleanings XXII, 1979)
Son Excellence M. Gian-FrancoPompei, ambassadeur de la République italienne auprès de la République francaise, possède un portrait-miniature de Casanova, jusqu'ici inconnu et d'une authenticité particulièrement certaine, puisqu'il est daté et signé par son auteur Francois Casanova, le célèbre peintre de la vie militaire et le propre frère de l'auteur, plus célèbre encore, de l' « Histoire de ma vie »

Monsieur l'Ambassadeur Pompei a bien voulu non seulement nous permettre d'examiner à loisir ce précieux petit ouvrage, acquis par lui à Vienne en 1953, mais encore nous en procurer la superbe photographie en couleurs [Copyright by Gian-Franco Pompei] que nous reproduisons ici.
ll s'agit d'une peinture de format miniature de 12 x 10 cm collée sur papier-carton carré et maintenue dans un cadre doré de forme ovale de 25 cm de hauteur x 18 cm de largeur. Au verso de ce papier-carton, on lit, d'une écriture de la fin du XVllle siècle, la mention suivante : « Giov. Jac. Casanova de Seingalt +den 4 junius 1798, allhier », mention qui comporte une légère erreur sur le premier des prénoms de Casanova (lire Hier[onimo] au lieu de Giov[anni].), mais une précision de lieu (allhier = ici même, c'est-à-dire à Dux en Bohême).
Jacques Casanova, alors âgé de 71 ans, y est représenté en buste, de profil à gauche, en perruque gris cendré relevée en rouleau au-dessus de l'oreille et massée sur le cou en catogan. Il est vêtu d'un habit noir ajusté, très simple et boutonné très haut avec, attaché au cou, une sorte de rabat.
Sur la peinture elle-même, à gauche du visage et à la hauteur du front, on lit, d'une écriture tracée en rouge au pinceau très fin, en lettres capitales peu visibles malheureusement, sur la reproduction: AETA. SVAE et à droite, à la même hauteur: 71. DUXo(Duxovio). Plus bas, également à droite et à hauteur de l'épaule, et cette fois en minuscules: pxt (= pinxit) frat (frater) et au-dessous: f. Casanova 1796.
Plusieurs questions se posent à propos de ce portrait, et d'abord celle de savoir où il a été exécuté. Il est formellement daté de Dux (le locatif Dux [ovi]o ne laisse aucun doute à cet égard), mais cela ne signifie pas pour autant que Francois se soit transporté de sa personne à Dux pour l'exécuter. Rien dans la correspondance de Francois conservée pour cette année 1796 ne permet de l'affirmer (1). Par contre, l'une des lettres de l'artiste nous met la puce à l'oreille, car elle permet de penser que, dans certaines occasions tout au moins, le peintre, qui ne se considérait pas d'ailleurs comme portraitiste, ne se mettait pas en peine de travailler sur le vif. Encore le passage, quoiqu'en francais, n'est-il pas d'une clarté parfaite avec ses sous-entendus difficilement compréhensibles pour nous: « Je ne scais pas si tu chantera [sic] le Nunc dimittis au sujet de ce que Monsieur le baron Linden t'a dit, mais il y a apparence que tout cela est déjà oublié et je croirai avec toi, quoique dans un autre sens, que sa tête seroit une chose bien difficile à rendre, mais quant au tien [ portrait ? ] , j' ai fait même par coeur celle [ la tête] du Prince défunt très resemblant. Je puis encore en faire d'autres, pourvu que la personne que je dois représenter soit à cheval, car à pied, assis, se promenant, je ne répond de rien. Tu vois que je répond [ sic]. Ainsi, point de guerre. »(2). Francois s'est-il finalement décidé à peindre par coeur son frère à pied et en buste? S'il en était ainsi, on comprendrait mieux la platitude de la couleur, la mollesse du trait, le manque de vigueur de l'ensemble et, finalement, la banalité de l'effigie.
Autre problème. Que signifie, sous le menton du vieil homme, cette sorte de rabat, d'allure ecclésiastique, dont le peintre a gratifié son modèle? Faut-il se souvenir, à ce propos, de ce que Francois écrivait dix ans auparavant à son frère : «Je me réjouis aussi de voir par ta lettre que tu es devenu dévot» (3)? L'aventurier aurait-il tenu à se faire représenter en abbé ou serait-ce par plaisanterie que le peintre aurait ajouté cet accessoire vestimentaire imprévu? Il y a, d'ailleurs, une explication plus terre-à-terre, car on pourrait penser à un bavoir, tel que le portaient fréquemment les édentés, nombreux à cette époque, et aussi les priseurs, soucieux de ne pas gâter le devant de leur habit.
Quoi qu'il en soit, ce fut très probablement le dernier portrait de l'aventurier, qui n'avait plus alors que deux ans à peine à vivre, étant mort, comme on sait, le 4 juin 1798.
Notes :
(1.) I1 y a quatre lettres de 1796 (6 mars, 15 juin, 1er novembre et décembre), parmi les onze en francais de Francois à son frère qui ont été retrouvées parmi les papiers de Casanova et qui ont été publiées par Cornelius Ver Heyden de Lancey, dans son ouvrage intitulé Francois de Casanova, peintre du Roi (1727-1803), Paris, 1934, in-4°, 47 pages et plusieurs illustratjons. Dans la lettre du 6 mars, il est seulement question, non d'un déplacement de Francois à Dux, mais d'un voyage de Jacques à Vienne, voyage pour lequel l'aventurier pose des conditions qui ne semblent pas avoir été remplies (op. cit., p. 40).
(2.) Lettre du 1er novembre 1796 (op. cit., p. 42) . On voit, par le microfilm qu'a bien voulu nous envoyer l'Istituto francese di studi storici de Venise (Fondation Pierre Gruet), que M. de Lancey a oublié, dans sa transcription. les mots: « de rien. Tu Vois que je répond ».
(3.) Lettre du 5 mai 1786 (Lancey, op. cit., p. 32).

Portrait de Casanova par Narici

Portrait "présumé" de Giacomo Casanova exécuté par Francesco Maria Narice (né à Sestri Ponente / Gênes en 1722 mais actif principalement à Naples. Également à Gênes, où il est décédé vers 1785, il a laissé plusieurs peintures). Auparavant attribué à A.R. Mengs, année 1767, a été reconnu comme un certain travail de Narice par A. Spinosa, surintendant du ministère du Patrimoine culturel de Naples, avec son rapport daté du 19 février 1998. La grande peinture mesure 196 x 154 cm avec le somptueux cadre original de style baroque-génois, datant de 1755-1760, exemple d’ébénisterie ligure distinguée en ce qui concerne l’emplacement temporel du tableau. Le personnage a été supposé "Giacomo Casanova" par le découvreur bolognais du tableau, A. Preziosi, qui a publié son intuition sur Oggi le 30 juillet 1953. Il a procédé à la comparaison rotative faite à travers des dessins successifs du pastel juvénile "Dashkoff", de profil - oeuvre de Francesco Casanova qui dépeint son frère Giacomo à l'âge de 20 ou 30 ans - et celle de Narice, seule perspective en 1953: "Casanova" entre 30 et 35 ans, qui fait maintenant partie de la collection Bignami, Gênes. "