Quelques exemples
Précis de ma vie
Ce texte fut adressé par Casanova à Cécile de Roggendorf, en réponse à sa demande du 2 novembre 1797*.
« Ma mère me mit au monde à Venise le 2 d’Avril jour de Paques de l’an 1725. Elle eut la veille une grosse envie d’écrevisse. Je les aime beaucoup. Au baptême on m’a nommé Jacques Jérôme. Je fus imbécile jusqu'à huit ans et demi. Apres un[e] hémorragie de trois mois on m’a envoyé à Padoue, où guéri de l’imbécillité je me suis adonné à l’étude, et à l’age de seize ans on m’a fait docteur, et on m’a donné l’habit de prêtre pour aller faire ma fortune à Rome.
À Rome la fille de mon maître de langue française fut la cause que le Cardinal Acquaviva mon patron me donna congé.
Agé de dix-huit ans je suis entré dans le militaire au service de ma patrie, et je suis allé à Constantinople. Deux ans après étant retourné à Venise, j’ai quitté le métier de l’honneur, et prenant le mords aux dents j’ai embrassé le vil métier de joueur de violon ; j’ai fait horreur à mes amis ; mais cela n’a pas duré longtemps.
À l’age de 21 ans un des premiers seigneurs de Venise m’adopta pour fils, et étant assez riche je suis allé voir l’Italie, la France, l’Allemagne, et Vienne où j’ai connu le comte Roggendorff. Je suis retourné à Venise où deux ans après les inquisiteurs d’état vénitiens par des raisons justes, et sages me firent enfermer sous les plombs.
C’est une prison d’état d’où personne n’a jamais pu se sauver ; mais moi, avec l’aide de Dieu, j’ai pris la fuite au bout de quinze mois, et je suis allé à Paris.
En deux ans j’y ai fait de si bonnes affaires que je suis devenu riche d’un million ; mais j’y ai fait tout de même banqueroute. Je suis allé faire de l’argent en Hollande, puis je suis allé essuyer des malheurs à Stuttgart, puis des bonheurs en Suisse, puis chez M. de Voltaire, puis des aventures à Marseille, à Gênes, à Florence, et à Rome, où le pape Rezzonico vénitien me fit chevalier de S[aint] J[ean de] Latran, et protonotaire apostolique. Ce fut l’an 1760.
Bonne fortune à Naples dans la même année. À Florence j’ai enlevé une fille, et l’année suivante je suis allé au congrès d’Augsbourg chargé d’une commission du roi de Portugal. Le congrès ne s’y tint pas, et après la publication de la paix je suis passé en Angleterre d’où un grand malheur me fit sortir l’année suivante 1764. J’ai évité la potence, qui cependant ne m’aurait pas déshonoré. On ne m’aurait que pendu. Dans cette même année j’ai cherché en vain fortune à Berlin, et à Petersbourg ; mais je l’ai trouvée à Varsovie dans l’année suivante. Neuf mois après je l’ai perdue pour m’être battu en duel avec le Général Branicki au pistolet. Je lui ai percé le ventre, mais en trois mois il guérit, et j’en fus bien aise. C’est un brave homme.
Obligé à quitter la Pologne je suis allé à Paris l’an 1767, où une lettre de cachet m’a fait décamper, et aller en Espagne où j’ai eu des grands malheurs. À la fin de l’an 1768 on m’enferma dans le fond de la tour de la citadelle de Barcelone d’où je suis sorti au bout de six semaines, et exilé d’Espagne. Mon crime fut mes visites nocturnes à la maîtresse du vice roi, grande scélérate. Aux confins d’Espagne j’ai échappé aux sicaires, et je suis allé faire une maladie à Aix en Provence qui me mit au bord du tombeau après dix-huit jours de crachement de sang.
L’an 1769 j’ai publié en Suisse ma défense du gouvernement de Venise en trois gros volumes contre Amelot de la Houssaye.
L’année suivante le ministre d’Angleterre à la cour de Turin m’envoya à Livourne bien recommandé. Je voulais aller à Constantinople avec la flotte Russe, mais l’amiral Orlow ne m’ayant pas accordé les conditions que je voulais, j’ai rebroussé chemin, et je suis allé à Rome sous le pontificat de Ganganelli.
Un amour heureux me fit quitter Rome pour aller à Naples, et trois mois après un autre amour malheureux me fit retourner à Rome. Je me suis battu pour la troisième fois à l’épée avec le comte Medini, qui mourut il y a quatre ans à Londres en prison pour dettes.
Ayant beaucoup d’argent je suis allé à Florence, où le jour de la fête de Noël l’archiduc Léopold, mort empereur il y a quatre ou cinq ans, m’exila de ses états temps trois jours. J’avais une maîtresse, qui par mon conseil devint marquise de III à Bologne.
Las de courir l’Europe je me suis déterminé à solliciter ma grâce auprès des inquisiteurs d’état vénitiens. Par cette raison je suis allé m’établir à Trieste, où deux ans après je l’ai obtenue. Ce fut le 14 7bre an 1774. Mon entrée à Venise au bout de 19 ans me fit jouir du plus beau moment de ma vie.
L’an 1782 je me suis brouillé avec tout le corps de la noblesse vénitienne. Au commencement de 1783 j’ai quitté volontairement l’ingrate patrie, et je suis allé à Vienne. Six mois après je suis allé à Paris avec intention de m’y établir ; mais mon frère, qui y demeurait depuis 26 ans, me fit oublier mes intérêts pour les siens. Je l’ai délivré des mains de sa femme, et je l’ai mené à Vienne, où le prince Kaunitz sut l’engager à s’y établir. Il y est encore moins vieux que moi de deux ans.
Je me suis placé au service de M. Foscarini ambassadeur de Venise pour lui écrire la dépêche. Deux ans après il mourut entre mes bras tué par la goûte qui lui monta à la poitrine. J’ai alors pris le parti d’aller à Berlin espérant une place à l’Académie ; mais à moitié chemin le comte de Waldstein m’arrêta à Toeplitz, et me conduisit à Dux, où je suis encore, et où selon l’apparence je mourrai.
C’est le seul précis de ma vie que j’ai écrit, et je permets qu’on en fasse tel usage qu’on voudra Non erubesco evangelium.1
Ce 17 9bre 1797
Jacques Casanova »
Nanette et Marton
et c'est moi qui irai dans l'autre chambre. Si vous me craignez, enfermez-vous; mais vous auriez tort car je ne vous aime qu'avec des entrailles de frère.
Nous ne ferons jamais cela, me dit Nanette. Laissez-vous persuader, couchez-vous ici.
— Habillé, je ne peux pas dormir.
— Déshabillez-vous. Nous ne vous regarderons pas.
— Je ne crains pas cela ; mais je ne pourrais jamais m'endormir vous voyant obligées à veiller à cause de moi.
— Nous nous coucherons aussi, me dit Marton, mais sans nous déshabiller .
— C'est une méfiance qui insulte ma probité. Dites-moi, Nanette, si vous me croyez honnête homme.
— Oui, certainement.
— Fort bien. Vous devez m'en convaincre? Vous devez vous coucher toutes les deux à mes côtés tout à fait déshabillées, et compter sur la parole d'honneur que je vous donne que je ne vous toucherai pas. Vous êtes deux, et je suis un : que pouvez-vous craindre? Ne serez-vous pas les maîtresses de sortir du lit, si je cesse d'être sage? Bref, si vous ne me promettez pas de me donner cette marque de confiance du moins quand vous me verrez endormi, je n'irai pas me coucher.
J'ai alors cessé de parler faisant semblant de m'endormir; et elles se parlèrent tout bas ; puis Marton me dit d'aller me coucher, et qu'elles en feraient de même quand elles me verraient endormi. Nanette me le promit aussi, et pour lors je leur ai tourné le dos, et après m'être entièrement déshabillé, je me suis mis au lit, et je leur ai souhaité la bonne nuit. J'ai d'abord fait semblant de dormir, mais un quart d'heure après, je me suis endormi tout de bon. Je ne me suis réveillé que quand elles vinrent se coucher ; mais je me suis d'abord tourné pour reprendre mon sommeil, et je n'ai commencé à agir que quand je me suis vu le maître de les croire endormies. Si elles ne dormaient pas, il ne tenait qu'à elles d'en faire semblant. Elles m'avaient tourné le dos, et nous étions à l'obscur. J'ai commencé par celle vers laquelle j'étais tourné ne sachant pas si c'était Nanette ou Marton. Je l'ai trouvée accroupie, et enveloppée dans sa chemise, mais ne brusquant rien, et n'avançant l'entreprise qu'aux pas les plus petits elle se trouva convaincue que le meilleur parti qu'elle pût prendre était celui de faire semblant de dormir, et de me laisser faire. Peu à peu je l'ai développée, peu à peu elle se déploya, et peu à peu par des mouvements suivis, et très lents, mais merveilleusement bien d'après nature, elle se mit dans une position, dont elle n'aurait pu m'en offrir une autre plus agréable que se trahissant. J'ai entamé l'ouvrage, mais pour le rendre parfait j'avais besoin qu'elle s'y prêtât de façon à ne plus pouvoir le désavouer, et la nature enfin l'obligea à s'y déterminer. J'ai trouvé la première exempte de doute, et ne pouvant pas douter non plus de la douleur qu'on avait dû endurer j'en fus surpris. En devoir de respecter religieusement un préjugé auquel je devais une jouissance dont je goûtais la douceur pour la première fois de ma vie, j'ai laissé la victime tranquille, et je me suis tourné de l'autre côté pour en agir de même avec la soeur qui devait compter sur toute ma reconnaissance.
Je l'ai trouvée immobile dans la posture qu'on peut avoir quand on est couché sur le dos dormant profondément, et sans aucune crainte. Avec les plus grands ménagements, et toute l'apparence de crainte de la réveiller j'ai commencé par flatter son âme m'assurant qu'elle était toute neuve comme sa soeur; et je n'ai différé à la traiter de même que jusqu'au moment qu'affectant un mouvement très naturel, et sans lequel il m'aurait été impossible de couronner l'oeuvre, elle m'aida à triompher ; mais dans le moment de la crise, elle n'eut pas la force de poursuivre la fiction. Elle se démasqua me serrant très étroitement entre ses bras, et collant sa....
Histoire de ma vie Brockhaus-Plon Volume 1 Chapitre V
L'orage
Ah ! Mon Dieu! dit la fermière. Nous allons essuyer un orage.
-Oui, et malgré que la calèche soit couverte, la pluies abîmera votre habit, j'en suis fâché.
— Patience l'habit mais je crains le tonnerre.
— Bouchez vos oreilles.
— Et la foudre?
— Postillon, allons nous mettre à couvert quelque part.
— Il n'y a des maisons, me répondit-il, qu'à une demi-heure d'ici ; et dans une demi-heure il n'y aura plus d'orage.
Disant cela, il poursuit tranquillement son chemin, et voilà les éclairs qui se succèdent, le tonnerre qui gronde, et la pauvre femme qui tremble. La pluie commence. J'ôte mon manteau pour l'employer à nous couvrir par devant tous les deux, et après qu'un grand éclair a annoncé la foudre, nous la voyons éclater à cent pas devant nous. Les chevaux se cambrent, et ma pauvre dame est prise par des convulsions spasmodiques. Elle se jette sur moi, me serrant étroitement entre ses bras. Je m'incline pour ramasser le manteau qui était tombé à nos pieds, et en la ramassant je prends ses jupes avec. Dans le moment qu'elle veut les rabaisser, une nouvelle foudre éclate, et la frayeur l'empêche de se mouvoir. Voulant remettre le manteau sur elle, je me l'approche, et elle tombe positivement sur moi qui rapidement la place à califourchon. Sa position ne pouvant pas être plus heureuse, je ne perds pas de temps, je m'y adapte dans un instant faisant semblant d'arranger dans la ceinture de mes culottes ma montre. Comprenant que si elle ne m'en empêchait pas bien vite, elle ne pouvait plus se défendre, elle fait un effort, mais je lui dis que si elle ne fait pas semblant d'être évanouie, le postillon se tournerait et verrait tout. En disant ces paroles, je laisse qu'elle m'appelle impie tant qu'elle veut, je la serre au croupion, et je remporte la plus complète victoire que jamais habile gladiateur ait remportée.
La pluie à verse, et le vent contre étant très fort, elle se voit réduite à me dire sérieusement que je la perdais d'honneur puisque le postillon devait la voir.
— Je le vois, lui dis-je, et il ne pense pas à se tourner; et quand même, le manteau nous couvre entièrement tous les deux: soyez sage, et tenez-vous comme évanouie, car en vérité je ne vous lâche pas.
Elle se persuade, me demandant comment je pouvais défier la foudre avec une pareille scélératesse ; je lui réponds que la foudre était d'accord avec moi, elle est tentée de croire que c'est vrai, elle n'a presque plus de peur, et ayant vu, et senti mon extase, elle me demande si j'avais fini. Je ris lui disant que non, puisque je voulais son consentement jusqu'à la fin de l'orage. Consentez ou je laisse tomber le manteau.
— Vous êtes un homme affreux qui m'aura rendue malheureuse pour tout le reste de mes jours. Etes-vous content à présent?
— Non.
— Que voulez-vous? — Un déluge de baisers.
— Que je suis malheureuse ! Eh bien. Tenez.
— Dites que vous me pardonnez. Convenez que je vous fais plaisir.
— Oui. Vous le voyez. Je vous pardonne.
Je l'ai alors essuyée; et l'ayant priée d'avoir la même honnêteté avec moi, je lui ai vu la bouche riante.
— Dites-moi que vous m'aimez, lui dis-je.
— Non, car vous êtes un athée, et l'enfer vous attend.
L'ayant alors remise à sa place, et voyant le beau temps, je l'ai assurée que le postillon ne s'était jamais tourné. En badinant sur l'aventure, et lui baisant les mains, je lui ai dit que j'étais sûr de l'avoir guérie de la peur du tonnerre, mais qu'elle ne révèlerait jamais à personne le secret qui avait opéré la guérison. Elle me répondit qu'elle était pour le moins très sûre que jamais femme n'avait été guérie par un pareil remède.
Histoire de ma vie Brockhaus-Plon Volume 1 Chapitre V
Départ de la Hollande
J'ai écrit à M. d'Affri, le priant de m'envoyer un passeport dont j'avais besoin voulant aller faire un tour dans l'Empire, où les Français et toutes les puissances alors belligérantes étaient en campagne. Il me répondit fort poliment que je n'en avais pas besoin, mais que si je le voulais absolument il me l'enverrait. Sa lettre me suffit. [16611 Je l'ai mise dans Mon portefeuille, et à Cologne elle me fit plus d'honneur qu'un passeport.
J'ai fait passer entre les mains de M. D. O. tout l'argent que j'avais entre celles de plusieurs banquiers. Il me donna une lettre de crédit circulaire tirée sur dix à douze des premières maisons de l'Allemagne. Je suis donc parti dans ma chaise de poste, que j'avais fait venir de Mordick, maître (le disposer de presque cent mille florins de Hollande, ayant beaucoup de bijoux de prix, des bagues, et un très riche équipage. J'ai renvoyé à Paris un laquais suisse avec lequel j'étais parti, ne conduisant avec moi que Leduc monté derrière.
C'est toute l'histoire du court séjour que j'ai fait en Hollande cette seconde fois, où je n'ai rien fait d'important pour ma fortune. J'y ai eu des chagrins, mais quand je m'en souviens je trouve que l'amour m'a dédommagé de tout.
Je ne me suis arrêté à Utrecht qu'un jour, pour aller voir la terre appartenant aux hernoutres; et le surlendemain je suis arrivé à Cologne à midi ; mais une demi-heure avant que j'y arrive, cinq soldats déserteurs, trois à droite et deux à gauche, me couchèrent en joue me demandant la bourse. Mon postillon, menacé de mort par un pistolet que je tenais à la main, piqua des deux, et les assassins déchargèrent leurs fusils contre moi, mais ils ne blessèrent que ma voiture. Ils n'eurent pas l'esprit de tirer sur le postillon. Si j'avais eu deux bourses comme les ont les Anglais, dont la légère est destinée aux voleurs hardis, je l'aurais jetée à ces malheureux ; mais n'en ayant qu'une et très bien garnie j'ai risqué la vie pour la sauver. Mon Espagnol était étonné que les balles, dont il avait entendu le sifflement à leur passage devant sa tête, ne l'eussent pas touché. A Cologne, les Français étaient en quartiers d'hiver. On m'a logé à l'enseigne du Soleil . En entrant dans la salle j'ai vu le comte de Lastic, neveu de Mme d'Urfé, qui après m'avoir fait tous les offres d'usage me conduisit chez M. de Torci qui était commandant. Je lui ai montré au lieu du passeport la lettre de M. d'Affri, et tout fut dit. Quand je lui ai conté ce qui venait de m'arriver, il me fit compliment sur le bonheur que j'avais eu, mais il condamna en clairs termes l'usage que j'avais fait de ma bravoure. Il nie dit que si je n'étais pas pressé de partir je les verrais peut-être pendus ; mais je voulais partir le lendemain.
J'ai dû dîner avec M. de Lastie et M. de Flavacour qui me persuadèrent à aller à la comédie. Par cette raison j'ai dû faire une toilette, car c'était tout simple qu'on m'aurait présenté à des dames, et je voulais briller. Etant allé me mettre sur le théâtre, et ayant vu une jolie femme m'adresser sa lornette, j'ai prié M. de Lastic de me présenter, et au premier entr'acte il me conduisit à sa loge, où il commença par dire qui j'étais à M. le comte de Kettler, lieutenant général au service autrichien, qui se tenait à l'armée française, comme M. de Montaset, Français, se tenait à l'autrichienne. D'abord après il me présenta à la dame qui m'a d'abord frappé. Elle me fit d'abord des questions sur Paris, puis sur Bruxelles, où elle avait été élevée, sans avoir l'air d'écouter mes réponses.
Histoire de ma vie Brockhaus-Plon Volume 6 Chapitre II
Henriette
Légende du tableau: Adélaïde de Gueidan et sa soeur cadette au clavecin. Musée Granet, Aix-en-Provence.
....pas avoir invité des dames. Henriette, lui faisant une petit révérence fit un sourire. Je l'ai vue riante et affichant l'air de la satisfaction ; mais elle prenait sur elle. Sa grande âme ne voulait pas se montrer inquiète ; mais d'ailleurs je ne croyais pas qu'elle eût un vrai motif de craindre. Je l'aurais cru si elle m'eût dit toute son histoire ; et certainement je l'aurais conduite en Angleterre, et elle en aurait été enchantée.
Un quart d'heure après les deux acteurs arrivèrent c'était Baschi et la Baglioni dans ce temps-là très jolie. Ensuite tous les personnages que Du Bois avait invités arrivèrent. Ils étaient tous Espagnols, ou Français, tous d'un certain âge. Il n'y a eu question de présentation, et j'ai admiré en cela l'esprit du bossu ; mais comme tous les convives avaient le grand usage de la cour ce manque d'étiquette n'empêcha pas qu'on ne fit à IHenriette tous les honneurs de l'assemblée qu'elle reçut avec une aisance qu'on ne connaît qu'en France, et même dans les compagnies les plus nobles, à l'exception cependant de certaines provinces où la morgue se laisse souvent trop voir.
Le concert commença par une superbe symphonie ; puis les acteurs chantèrent le duo, puis un écolier de Vandini donna un concerto de violoncelle, qu'on applaudit beaucoup. Mais voilà ce qui me causa la plus grande surprise. Henriette se lève, et louant le jeune homme qui avait joué l'a solo, elle lui prend son violoncelle, lui disant d'un air modeste et serein qu'elle allait le faire briller davantage. Elle s'assied à la même place où il était, elle prend l'instrument entre ses genoux, et elle prie l'orchestre de recommencer le concerto. Voilà la compagnie dans le plus grand silence ; et moi mourant de peur ; mais Dieu merci personne ne me regardait. Pour elle elle ne l'osait pas. Si elle avait élevé sur moi ses beaux yeux, elle aurait perdu courage. Mais ne la voyant que se mettre en posture de vouloir jouer, j'ai cru que ce n'était qu'un badinage pour faire tableau, qui vraiment avait des charmes ; mais quand je l'ai vue tirer le premier coup d'archet, j'ai pour lors cru que la trop forte palpitation de mon coeur allait me faire tomber mort. Henriette ne pouvait prendre, me connaissant bien, autre parti que celui de ne me jamais regarder.
Mais que devins-je quand je l'ai entendue jouer l'a solo, et lorsque après le premier morceau les claquements des mains avaient fait devenir presque sourd l'orchestre? Le passage de la crainte à une exubérance de contentement inattendu me causa un paroxysme, dont la plus forte fièvre n'aurait pas pu, dans son redoublement me causer le pareil. Cet applaudissement ne fit à Henriette la moindre sensation du moins en apparence. Sans détacher ses yeux des notes qu'elle ne connaissait que pour avoir suivi des yeux tout le concert pendant que le professeur jouait, elle ne se leva qu'après avoir joué seule six fois. Elle n'a pas remercié la compagnie de l'avoir applaudie ; mais se tournant d'un air noble et gracieux vers le professeur elle lui dit qu'elle n'avait jamais joué sur un meilleur instrument. Après ce compliment elle dit d'un air riant aux assistants qu'ils devaient excuser la vanité qui l'avait induite à rendre le concert plus long d'une demi-heure.
Ce compliment ayant fini de me frapper, j'ai disparu pour aller pleurer dans le jardin, où personne ne pouvait me voir. Qui est donc Henriette? Quel est ce trésor dont je suis devenu le maître? Il me paraissait impossible d'être l'heureux mortel qui la possédait.
Perdu dans ces réflexions, qui redoublaient la volupté de mes pleurs, je serais resté là encore longtemps, si Du Bois lui-même ne fût venu me chercher et me trouver malgré les ténèbres de la nuit. Il m'appela à souper. Je l'ai tiré d'inquiétude lui disant qu'un petit étourdissement m'avait Obligé à sortir pour le dissiper prenant l'air.
Chemin faisant j'ai eu le temps de sécher mes larmes ; mais non pas de redonner au blanc de mes yeux leur couleur.
Histoire de ma vie Brockhaus-Plon Volume 3 Chapitre IV
Thérese
Un jour, après nous avoir fait dîner tous trois avec lui, le sénateur nous laissa seuls pour aller faire la sieste ; c'était son ordinaire. La petite Gardela, devant aller prendre sa leçon, sortit peu d'instants après, de sorte que je me trouvai tête-à-tête avec Thérèse, que je trouvais fort de mon goût, quoique je ne lui eusse jamais conté fleurettes. Assis tout près l'un de l'autre à une petite table, le dos tourné à la porte du cabinet où nous croyions notre patron endormi, il nous prit envie à certain propos de vérifier la différence de notre conformation ; mais au plus intéressant de la besogne un violent coup de canne sur les épaules, suivi d'un second, qui l'aurait été sans doute de bien d'autres, si je n'avais gagné le large, nous força à laisser notre oeuvre imparfaite. Je m'enfuis précipitamment sans manteau ni chapeau, et j'allai m'enfermer chez moi.
J'y étais à peine depuis un quart d'heure lorsque je reçus ces deux objets par la vieille gouvernante du sénateur, avec un billet qui m'avertissait de ne plus remettre les pieds dans le palais de Son Excellence. Sans perdre un instant, je lui répondis en ces termes : "Vous m'avez battu étant en colère, vous ne pouvez par conséquent vous vanter de m'avoir donné une leçon ; et je veux n'avoir rien appris. Je ne saurais non plus vous pardonner qu'en oubliant que vous êtes un sage, et je ne l'oublierai jamais."
Ce seigneur eut peut-être raison de n'être pas content du spectacle que nous lui procurions ; car tous les domestiques devinèrent le motif de mon exil, et par la suite toute la ville rit de mon histoire. Il n'osa point faire de reproches à Thérèse, ainsi qu'elle me le dit quelque temps après ; mais comme de raison elle n'osa point demander ma grâce.
Histoire de ma vie Brockhaus-Plon Volume 1Chapitre VI
La Dubois
Ayant envie de voir toute ma maison, la femme du concierge me conduisit partout. Je suis retourné à mon appartement où j'ai trouvé Leduc qui vidait mes malles. Après lui avoir dit de donner mon linge à Mme Dubois, je suis allé écrire. C'était un joli cabinet au nord à une seule fenêtre. Une perspective enchanteresse paraissait faite pour faire naître dans l'âme d'un poète les idées plus heureuses engendrées par la fraîcheur de l'air et par le silence sensible qui flatte l'ouie dans une riante campagne. Je sentais que pour jouir de la simplicité de certains plaisirs l'homme a besoin d'être amoureux et heureux. Je me félicitais.
J'entends frapper. Je vois ma belle gouvernante qui, d'un air riant qui ne ressemblait en rien à celui qu'on a quand on va se plaindre, me prie de dire à mon valet de chambre d'être poli avec elle.
— En quoi vous a-t-il manqué?
— Peut-être en rien selon lui. Il voulait m'embrasser, je m'y suis refusée, et lui, croyant d'en avoir le droit, devint un peu insolent.
— De quelle façon?
— Se moquant de moi. Excusez, Monsieur, si j'y fus sensible. Le ricanement me déplaît.
— Vous avez raison, ma bonne. Il ne sort que de la sottise ou de la malice. Leduc saura d'abord qu'il doit vous respecter. Vous souperez avec moi.
Une demi-heure après, étant venu me demander quelque chose, je lui ai dit qu'il devait respecter la Dubois.
— C'est une bégueule, qui n'a pas voulu que je l'embrasse.
— Tu n'es qu'un faquin.
—Est-ce votre femme de chambre, ou votre maitresse?
— C'est peut-être ma femme.
— Ça suffit. J'irai m'amuser chez le concierge.
Je me suis trouvé très satisfait de mon petit souper, et d'un excellent vin de Neufchâtel. Ma gouvernante était habituée au vin de la côte qui était aussi exquis. Je fus à la fin très content et du cuisinier, et de la modestie de ma bonne, et de mon Espagnol qui la changea d'assiette sans nulle affectation. J'ai dit à mes gens de s'en aller après avoir ordonné mon bain pour six heures du matin. Étant resté seul à table avec cette trop belle personne, je l'ai priée de me conter son histoire.
— Mon histoire est fort courte. Je suis née à Lyon. Mon père et ma mère me conduisirent avec eux à Lausanne, comme je l'ai su d'eux-mêmes, car je ne m'en souviens pas. Je sais que j'avais quatorze ans quand mon père qui était cocher chez Mme d'Ermance mourut. Cette dame me prit chez elle, et trois ou quatre ans après je suis entrée au service de Miladi Montaigu comme fille de chambre, et son vieux valet de chambre Dubois m'épousa. Trois ans après je suis restée veuve à Windsor où il est mort. L'air d'Angleterre me menaçant la consomption j'ai demandé mon congé à ma généreuse maitresse qui me l'accorda, me payant mon voyage et me faisant des présents considérables. Je suis retournée à Lausanne chez ma mère, où je suis entrée au service d'une dame anglaise, qui m'aimait beaucoup et qui m'aurait conduite en Italie avec elle si elle n'avait conçu des soupçons par rapport au jeune duc de Rosburi qui paraissait amoureux de moi. Elle l'aimait, et elle me croyait secrètement sa rivale. Elle se trompait. Elle me combla de présents, et elle me renvoya à ma mère, où j'ai vécu deux ans du travail de mes mains. M. Lebel, maître d'hôtel de l'ambassadeur, me demanda il y a quatre jours, si je voulais entrer au service d'un seigneur italien, en qualité de gouvernante, et il me dit les conditions. J'y ai consenti, ayant toujours eu une grande envie de voir l'Italie; cette envie fut la cause de mon étourderie ; je suis partie d'abord, et me voilà.
— De quelle étourderie parlez-vous?
— D'être venue chez vous sans vous connaître auparavant.
— Vous ne seriez donc pas venue, si vous m'aviez connu auparavant?
— Non certainement, car je ne trouverai plus de condition chez des femmes. Vous semble-t-il d'être fait pour avoir une gouvernante comme moi sans qu'on dise que vous me tenez pour autre chose?
— Je m'y attends, car vous êtes fort jolie, et je n'ai pas, l'air d'un polype ; mais je m'en moque.
— Je m'en moquerais aussi, si mon état me permettait de braver certains préjugés.
— C'est-à-dire, ma belle dame, que vous seriez bien aise de retourner à Lausanne.
— Pas actuellement, car cela vous ferait du tort. On pourrait croire que vous m'avez déplu par des procédés trop libres, et vous porteriez aussi sur moi peut-être un faux jugement.
— Que jugerais-je? Je vous prie.
— Vous jugeriez que je veux vous en imposer.
— Cela pourrait être, car votre départ brusque et déraisonnable me piquerait au vif. Mais tout de même je suis fâché pour vous. Telle étant votre façon de penser vous ne pouvez ni rester volontiers avec moi, ni vous en aller. Vous devez cependant prendre un parti.
— Je l'ai déjà pris. Je reste, et je suis presque sûre que je ne m'en repentirai pas.
— Votre espoir me plait ; mais il y a une difficulté.
— Aurez-vous la bonté de me la déclarer?
— Je le dois, ma chère Dubois. Point de tristesse, et point de certains scrupules.
— Vous ne me trouverez jamais triste; mais expliquons-nous de grâce sur l'article des scrupules. Qu'entendez-vous par scrupules?
— J'aime cela. Ce mot scrupule dans l'acception ordinaire signifie une malice superstitieuse qui croit vicieuse une action qui peut être innocente.
— Si l'action me laisse dans le doute, je ne me sens pas portée à en juger sinistrement. Mon devoir ne m'ordonne que de veiller sur moi.
— Vous avez beaucoup lu, je crois.
— Je ne fais que lire, même, car sans cela je m'ennuierais.
— Vous avez donc des livres?
— Beaucoup. Entendez-vous l'anglais?
— Pas un mot.
— J'en suis fâchée, car ils vous amuseraient.
— Je n'aime pas les romans.
— Ni moi non plus.
— J'aime bien cela.
— Par quoi, s'il vous plait, m'avez-vous ainsi à la hâte jugée romanesque?
— Voilà ce que j'aime aussi. Cette incartade me plait, et je suis charmé de commencer moi-même à vous faire rire.
— Excusez, si je ris, car...
— Point de car. Riez à tort et à travers, et vous ne trouverez jamais un meilleur moyen de me gouverner. Je trouve que vous vous êtes donnée à moi à trop bon marché.
— Je dois encore rire, car il ne tient qu'à vous d'augmenter mes appointements.
Je me suis levé de table fort surpris de cette jeune femme qui avait tout l'air de parvenir à me prendre par mon faible. Elle raisonnait; et dans ce premier dialogue elle m'avait déjà mis au sec. Jeune, belle, mise avec élégance, et de l'esprit, je ne pouvais pas deviner où elle me mènerait. Il me tardait de parler à M. Lebel qui m'avait procuré un pareil meuble.
Après avoir ôté le couvert, et avoir porté tout dans sa chambre, elle vint me demander si je mettais des papillottes sous mon bonnet de nuit. Cette affaire regardait Leduc; mais je lui ai donné avec plaisir la préférence. Elle s'en acquitta très bien.
— Je prévois, lui dis-je, que vous me servirez comme Miladi Montaigu.
— Pas tout à fait ; mais puisque vous n'aimez pas la tristesse, je dois vous demander une grâce.
— Demandez, ma chère.
— Je ne voudrais pas vous servir au bain.
— Que je meure si j'y ai seulement pensé. Ce serait scandaleux. Ce sera l'affaire de Leduc.
— Je vous prie donc de me pardonner, et j'ose vous demander une autre grâce.
— Dites-moi librement tout ce que vous désirez.
— Puis-je faire coucher avec moi une des filles du concierge?
— Je vous jure en vérité que si j'y avais pensé un seul moment je vous en aurais priée. Est-elle dans votre chambre?
— Non.
— Allez l'appeler.
— Je ferai cela demain, car si j'y allais à présent on pourrait inventer des raisons. Je vous remercie.
— Ma chère amie, vous êtes sage. Soyez sûre que je ne vous empêcherai jamais de l'être.
Elle m'aida à me déshabiller, et elle dut m'avoir trouvé très décent ; mais pensant à mon procédé avant de m'endormir, j'ai vu qu'il ne dérivait pas de vertu. J'avais le cœur pris de Mme ... et la Dubois même m'en avait imposé ; j'en étais peut-être la dupe, mais je ne m'arrêtais pas à cette pensée.
Le matin j'ai sonné Leduc, qui me dit qu'il n'espérait pas d'avoir cet honneur. Je l'ai appelé sot. Après avoir fait un bain froid, je me suis recouché, lui ordonnant deux tasses de chocolat. Ma bonne entra dans un déshabillé fort galant, et toute riante.
— Vous êtes gaie, ma belle gouvernante.
— Gaie, parce que je suis très contente d'être avec vous, j'ai bien dormi, je me suis promenée, et j'ai dans ma chambre une fille qui est fort jolie, et qui couchera avec moi.
— Faites-la entrer.
J'ai ri, voyant une laideron à l'air farouche. Je lui ai dit qu'elle prendra avec moi tous les matins du chocolat, et elle s'en montra bien aise me disant qu'elle l'aimait beaucoup. L'après-diner M. de Chavigni vint passer avec moi trois heures et il fut content de toute la maison, mais très surpris de la gouvernante dont Lebel m'avait pourvu. Il ne lui en avait rien dit. Il trouva que c'était le vrai remède pour me guérir de l'amour que Mme ... m'avait inspiré. Je l'ai assuré qu'il se trompait. Il lui dit tout ce qu'il pouvait lui dire de plus honnête.
Pas plus tard que le lendemain, précisément dans le moment que j'allais me mettre à table avec ma bonne, une voiture entre dans ma cour, et je vois Mme F. qui en sort. J'en fus surpris et fâché, mais je ne pouvais pas me dispenser de lui aller au-devant.
— Je ne m'attendais pas, madame, à l'honneur que vous me faites.
— Je suis venue vous demander un plaisir, après que nous aurons diné.
— Venez donc d'abord, car la soupe est sur la table. Je vous présente Mme Dubois. Mme de F., dis-je à celle-ci, dînera avec nous.
Ma bonne fit les honneurs de la table jouant le rôle de maîtresse comme un ange, et la F., malgré sa morgue, ne s'est donné le moindre air. Je n'ai pas dit vingt paroles pendant tout le diner, ni eu pour cette folle aucune attention, étant impatient de savoir de quelle espèce était le plaisir qu'elle voulait me demander.
D'abord que la Dubois nous quitta, elle me dit sans détour qu'elle était venue me prier de lui donner deux chambres pour trois ou quatre semaines. Très surpris de son effronterie, je lui réponds que je ne pouvais pas lui faire ce plaisir.
— Vous me le ferez, car toute la ville sait que je suis venue vous le demander.
Histoire de ma vie Brockhaus-Plan Volume 6 Chapitre VI
O-Morphi
Mon ami Patu à la foire St-Laurent conçut l'envie de souper avec une actrice flamande qui s'appelait Morfi, et m'invita à être de moitié de son caprice; j'y ai consenti. La Morfil ne me tentait pas; mais c'était égal: le plaisir de l'ami intéresse assez. Il proposa donc deux louis. qui furent d'abord acceptés, et nous allâmes après l'opéra à la maison de la belle dans la rue des Deux-Portes-St-Sauveur. Après le souper Patu eut envie de coucher avec elle. et j'ai demandé pour moi un canapé dans quelque coin de la maison. La petite sœur de la Morfi, jolie gueuse, et sale, me dit qu'elle me donnerait son lit, mais qu'elle voulait un petit écu; je le lui ai accordé. Elle me conduit dans un cabinet, où je ne vois qu'une paillasse sur trois ou quatre planches.
— Et tu appelles cela un lit?
— C'est mon lit.
— Je n'en veux point, et tu n'auras pas le petit écu.
— Est-ce que vous pensiez de vous déshabiller pour dormir?
Sans doute.
Quelle idée ! Nous n'avons pas de draps.
Tu dors donc vêtue?
Point du tout.
Eh bien ! Va donc te coucher toi-même, et tu auras le petit écu. Je veux te voir.
— Oui. Mais vous ne me ferez rien.
— Pas la moindre chose.
Elle se déshabille, elle se couche, et se couvre avec un vieux rideau. Elle avait treize ans. Je regarde cette fille ; je secoue tout préjugé; je ne la vois plus ni gueuse, ni en lambeaux, et je trouve la beauté la plus parfaite. Je veux l'examiner toute, elle refuse, elle rit, elle ne veut pas; mais un écu de six francs la rend douce comme un mouton, et n'ayant autre défaut que celui d'être sale, je la lave toute de mes propres mains ; mon lecteur sait que l'admiration est inséparables d'une autre approbation, et je trouve la petite Morfi disposée à me laisser faire tout ce que je veux, hormis ce que je n'avais pas envie de faire. Elle me prévient qu'elle ne me permettrait pas cela, car cela, au jugement de sa soeur aînée, valait vingt-cinq louis. Je lui dis que nous marchanderions de cela une autre fois ; et pour lors elle me donne toutes les marques de sa future complaisance dans celle qu'elle me démontre avec la Plus grande prodigalité en tout ce que je pouvais vouloir.
La petite Hélène dont j'avais joui, en la laissant intacte, donna à sa sœur les six francs, et lui dit ce qu'elle espérait de moi. Elle m'appela avant que je parte, et elle me dit qu'ayant besoin d'argent, elle diminuerait quelque chose. Je lui réponds que j'irais lui parler le lendemain. J'ai voulu que Patu voie cette fille telle que je l'avais vue Pour le faire avouer qu'il n'était pas possible de voir une beauté plus accomplie. Hélène, blanche comme un lys avait tout ce que la nature et l'art des peintres pouvaient
Histoire de ma vie Brockhaus Plon Volume 3 Chapitre XI
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